Identification des photos

Les images de la collection Noblot ont été identifiées principalement grâce aux sources en ligne, publiques et privées, iconographiques et textuelles.

Les sources

Les principales sources en ligne utilisées sont les collections :
-    des Archives nationales d’Outremer (ANOM),
-    du Musée du Quai Branly,
-    de l’Ecole française d’Extrême Orient (EFEO)
-    de la Bibliothèque nationale de France (catalogue et Gallica)
-    de l’Asemi (Asie du Sud-Est et Monde Insulindien) mises en ligne par la Bibliothèque numérique d'université Cote d'Azur (Humazur).

J’ai été étonnée dans un premier temps de retrouver les images de la collection Noblot sur des sites privés : sites de vente comme Delcampe ou Ebay et surtout le site de Manhhai. Compilateur anonyme, Manhhai a rassemblé sur son espace personnel Flickr, des milliers d’images sur le Viêtnam tout en prenant soin d'indiquer ses sources. Les nombreux commentaires permettent, par le truchement de Google traduction, de préciser l’identification des photos, la localisation des sites ou leur histoire.
La fréquence des occurrences sur des sites de vente est révélatrice de l’importance de la part documentaire dans la collection Noblot. Elle est bien plus importante que la présence des 59 cartes postales laissait supposer.

On retrouve la signature ou le tampon de 36 photographes ou studios photographiques sur les tirages papiers. Il n'est donc pas étonnant de retrouver énormément de photos de la collection Noblot sur les sites de vente de cartes postales.

Les indications données par étiquettes des boîtes de plaques de verre circonscrivent l'Indochine des Noblot à la Cochinchine, le sud de l'Annam, soit la moitié sud du Vietnam actuel et le Cambodge.

Figure 8. Indochine française (extrait). Saïgon : Nguyen-Van-Chuc et Cisvaldini, 1933. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53066723z

Ces limites géographiques sont strictes et semblent délibérées. Aucune photo ou carte postale du Tonkin à l'exception d'un portrait de studio, de la ville impériale de Hué ne sont présentes dans l’album. Certains sujets proprement cochinchinois sont également absents, comme la ville de Cholon, la partie chinoise et industrielle de Saïgon.
La restriction à la moitié sud de l’Indochine s'accorde avec le parcours professionnel d'Adrien Noblot. Elle révèle les centres d'intérêt et les goûts personnels de la famille.

Les marques des photographes professionnels

Les collections du Musée du Quai Branly et surtout celles de l'Ecole française d'Extrême-Orient, documentent bien les funérailles du roi Sisowath et le couronnement de son successeur Monivong. L’EFEO (Ecole française d’Extrême-Orient) met en ligne pas moins de 63 photographies de son couronnement en juillet 1928. Le Musée du Quai Branly détient une série très complète issue de la photothèque du Musée de l’Homme, qui la tenait du Gouvernement général de l’Indochine. Ces photographies sont hélas anonymes dans les deux institutions comme dans les albums Noblot.

Avec ces tirages anonymes, on trouve cependant des cartes postales éditées par le studio photographique « Royal photographie, Phnom Penh » atelier actif à la fin des années 1930 et en particulier pour l’administration.

En revanche une signature est présente sur une photo de la collection Noblot, que je n'ai pas retrouvée ailleurs. Le congrès eucharistique de Saïgon qui s’est tenu du 12 au 16 décembre 1935, a fait l’objet d’un article de l’organe missionnaire Echos de nos missions en 1936. Il reproduit page 91, plusieurs photos de la collection Noblot. L’exemplaire de la collection Noblot nous donne l’auteur d’une des photos reproduites dans Echo de nos missions, celle du reposoir devant la cathédrale. Elle est signée : Tourist Photo 48 rue J. Eudel, Saïgon.

Les thèmes de la collection Noblot

Les thèmes principaux concernent pour environ un tiers : la vie personnelle (la famille et les amis), puis la vie professionnelle, la gendarmerie coloniale et enfin la documentation réunie sur l’Indochine.
Le troisième thème expose l’Indochine touristique et pittoresque, l’architecture coloniale et locale, les « types ethnographiques et sociaux », la vie de la colonie (cérémonies officielles et privées). En creux se dessinent des sujets dont l’absence peut étonner.

L'Indochine pittoresque

Les photos de l’Indochine pittoresque de la collection sont conformes à la production courante des photographies prises en Indochine pour les Occidentaux : les monuments, les temples et les pagodes, les fêtes locales et des scènes de rue ou rurales (travail des rizières), des cérémonies militaires ou religieuses (congrès eucharistique, enterrements) etc.
Des grands événements ayant marqué la vie de la colonie sont aussi bien représentés : les funérailles du roi Sisowath et le couronnement de son successeur Monivong à Phnom Penh en 1928. Tous ces événements sont documentés par les collections de l'Ecole française d'Extrême-Orient (EFEO) et du Musée du Quai Branly.
Certains événements ayant pourtant produit une couverture photographique ne figurent pas dans le fonds : la visite de Paul Reynaud en Indochine en 1931, les tentatives de record de vitesse en avion entre Paris et Saïgon (9 novembre 1930, record de vol longue distance entre Paris-Saïgon-Paris de Maryse Hilsz ;16 décembre 1935, André Japy se pose à Saïgon et pose un nouveau record sur la distance), la visite d’Astrid et Baudoin de Belgique en 1932. Or se trouve, page 29 de l’album 1 "Les Plages", collé au milieu du reportage sur les festivités organisées pour la visite des souverains du Siam à Saïgon (14-16 avril 1930), un timbre belge à l’effigie de la reine Astrid de Belgique. Est-ce un repenti destiné à combler l’absence de photos illustrant la visite d’Astrid et Léopold de Belgique en Indochine française en mars 1932 ?

Beaucoup de photos ont été faites par des photographes professionnels, et en premier lieu Fernand Nadal dont la production pléthorique est incontournable pour l’Indochine des années 1920-1930. Cette convergence entre les collections publiques et la collection Noblot concerne aussi des photographies qui semblent émaner de commandes de l’administration, laquelle recourait aux photographes professionnels actifs dans la colonie. Les photographies des personnalités de l’administration coloniale (résidents, gouverneurs) et le roi du Cambodge proviennent de studios professionnels comme l’indiquent de nombreux tampons : Photo Nadal Saïgon, Royal Photo Phnom Penh, Catinat Photo, Khanh Ky, etc. Ces studios ont été sollicités pour enrichir la part documentaire de la collection Noblot mais aussi pour les portraits et les sujets familiaux.

La vie familiale

La vie familiale et sociale des Noblot est le principal sujet de la collection. On trouve beaucoup de photos de bord de mer, en particulier au Cap St-Jacques (Vung Tau, province de Ba Ria-Vung Tau, Việt Nam), des excursions à Dalat (Đà Lạt, province de Lâm Đồng, Việt Nam), Thudaumot (Thủ Dầu Một, province de Binh Duong, Việt Nam), les promenades au jardin botanique de Saïgon.

Etonnement, il manque à la collection, les photos des grands événements de la famille, comme le mariage d’Adrien et Delphine. Ils se sont mariés en France, les photos auraient pu rester sur place. En revanche, leur fille Claudette a fait sa communion à la cathédrale de Saïgon. Aucune photo de la cérémonie ne figure dans les albums, pas plus que des photos de Claudette avant l’âge de 9 ans (photos "Scène de théâtre : troupe en costume" album_Noblot_vol-1_26-02 et album_Noblot_vol-1_26-04).
Une série dont les limites sont difficiles à cerner a pu être prise avant le départ définitif d’Indochine en 1937. Elle montre Delphine et Adrien à Phnom Penh, à Saïgon et surtout l’intérieur de leur maison dans la caserne des officiers, et des portraits dans leur automobile.

Un autre reportage semble mettre en scène le statut social des Noblot. Il s’agit d’une ou plusieurs parties de chasse au gros gibier en compagnie de leurs bons amis, collègues et voisins, les Blachère.

Tourisme en Indochine

Il est impossible de localiser précisément les parties de chasse de la collection. La partie sud de l’Indochine française, et en particulier Dalat,  semble concentrer l’activité cynégétique encouragée par la littérature touristique : Les grandes chasses en Indochine, publié par Le Bureau officiel du tourisme indochinois à Saïgon à l'occasion de l'exposition internationale de Paris en 1937 ; Pierre Bouvard et F. Millet. Dalat, sanatorium de l’Indochine française : La chasse au Lang-Biang :  Nouveau guide illustré. Bergerac : J. Castenet, 1920 ; André bon. Petit Guide illustré de Dalat, Indochine française. Hanoï : Imprimerie d’Extrême-Orient, 1930. Les photos de la collection Noblot se plient au conformisme du genre : tenue vestimentaire, exhibition des trophées et des armes à feu.

Les temples d’Angkor tiennent une bonne place dans les plaques de verre. Une boîte entière leur est consacrée. Ils étaient déjà célèbres à cette époque et objets de mise en scène touristique spectaculaire (Bontoux, Henry. L'inauguration du tourisme aérien en Indochine: de la rivière de Saïgon aux douves d'Angkor-Vat. Revue indochinoise illustrée n°35, mai 1929).

Il est frappant de constater que les temples considérés les plus prestigieux à la fin des années 1920, le sont encore aujourd’hui. Sur les cinquante vues d’Angkor, trois fixent des frontons sculptés dont le célèbre fronton de Banteay Srei, qui peut être admiré aujourd’hui au musée Guimet. En revanche seules deux photographies montrent Ta Prohm. Ce temple hautement pittoresque de nos jours, l’était certainement moins à une époque où tous les temples n’étaient pas encore totalement dégagés de la végétation qui a fait la renommée photogénique de Ta Prohm.

L’attrait touristique du Cambodge ne se limite pas aux grands sites historiques. Kep-sur-Mer (province de Kep, Cambodge) était une station balnéaire, pendant de la station d'altitude du Bokor (Bokor, Sthany Phnom Bokor, province de Kampot, Cambodge) dont Adrien Noblot a ramené quelques vues. Et proche de la frontière cambodgienne, la plage de Hatien (Ha Tien, province de Kien Giang, Việt Nam) et ses deux pinacles de pierre détachés du littoral par l'érosion marine, était déjà une plage à la mode.

La collection offre une documentation très importante et plus originale liée à la vie professionnelle d'Adrien Noblot, gendarme colonial en poste en Indochine pendant toute sa carrière.

La gendarmerie coloniale

La documentation sur la section de gendarmerie coloniale de Cochinchine-Cambodge occupe une place prépondérante dans la collection.
Le rapport de gendarmerie est une source primaire d’information sur l’organisation de la section : les activités, les moyens et les bâtiments des postes de la gendarmerie coloniale de la circonscription. D’autres reportages dans les albums montrent la remise de décoration d’Adrien Noblot, des cérémonies militaires.
La structure et la cohérence de ce rapport signé Adrien Noblot et daté du 1e octobre 1929, m’ont permis d’identifier certaines photos des albums. En effet, l’un des albums comporte de très nombreuses photos de poste de gendarmerie, de tournées ou de portraits inégalement légendés. La mise en page du rapport intégrait dès la saisie du texte, la photo qui lui était associée, laquelle était insérée dans des encoches découpées dans le papier aux dimensions exactes. Or certains emplacements sont légendés et vides des photos qui leur étaient destinées. Les recherches dans la base de données sont à l'origine de ces rapprochements avec les photos reclassées ou éparpillées dans les albums.

Figure 9. rapport_gendarmerie_52 et album_Noblot_vol-2_32-02 (montage)

La première étape de la recherche a consisté à rapprocher les images de la collection Noblot entre elles et puis avec d’autres, mises à disposition par les collections en ligne.

La recherche par les images

Beaucoup de photos ont été très faciles à identifier car elles montrent l’Indochine des merveilles : des monuments, des bâtiments publics iconiques qui pour beaucoup, existent toujours ou ont été diffusés par les cartes postales et les albums produits par les photographes professionnels.
La cohérence géographique, chronologique et les centres d’intérêts des Noblot constituent des pistes solides pour dépasser le rapprochement avec les cartes postales d’Indochine. La mise en récit de la collection par la constitution d'albums et la rédaction du rapport permettent de mettre en regard des photographies isolées dans le récit et considérées a priori comme des unicums.

Des photos identifiées contre toute attente : Caïrang et Nhatrang

Figure 10. Photo d'un marché prise près d'un rach (album_Noblot_vol-2_38-01)

Cette photo sans légende présente des éléments d’architecture coloniale, dont ce marché à structure métallique, comme il en existait beaucoup en Cochinchine. En revanche, tous ne sont pas situés en bordure d’un rach traversé par une passerelle métallique. Une recherche sur les marchés de Cochinchine m’a ramenée au site personnel de Mannhai qui a publié une photo produite par le Gouvernement général en Indochine, comme l’indique son numéro « A-1304 GG ».

Puis j'ai rapproché  cette photo du marché de Caïrang, près de Cantho (Cái Răng, Cần Thơ, province de Phong Dinh, Việt Nam) d'une autre photo de l'album 2 "Phnom Penh", prise elle aussi près d'un rach et dépourvue de légende.

Figure 11. Autre photo d'un marché prise près d'un rach (album_Noblot_vol-2_32-01)

En superposant les deux photos, on obtient ceci.

Figure 12. Montage des deux photos

Les deux vues montrent le rach bordant le marché de Caïrang. Ces photos ne montrent pas de gendarmerie à proprement parler. La présence de ces deux photographies pourrait avoir pour origine, la sociabilité professionnelle d’Adrien Noblot, dont un gendarme inconnu titulaire du poste de Caïrang. La photo de gauche semble prendre pour sujet l’enfant et celle de droite, la famille d’un gendarme sur la jonque.
Les photographies prises en Indochine française, qu’elles proviennent de commandes de l’administration ou de reportages de photographes professionnels, exposent largement l’urbanisme et l’architecture. L’architecture coloniale est un élément de comparaison précieux pour identifier les vues et les localiser, comme la baie inconnue de la vue stéréoscopique boite_mont_plage_10.

Figure 13. boite_mont_plage_10 : Une baie inconnue

Elle provient d’une boîte de vues stéréoscopiques dont l’étiquette est hélas manquante et sans cavalier cartonné. Je l’ai intitulée « Boîte Mont plage » car les vues qu’elle contient montrent la plage et la montagne du Cap Saint-Jacques.

On voit sur cette plaque isolée, un navire dans une baie. Il s’agit d’une vue panoramique prise depuis un toit terrasse à balustres, un motif décoratif assez fréquent dans l’architecture coloniale de prestige : les grands hôtels  ou d’autres lieux récréatifs (le cercle sportif de Phnom Penh).

Ce paysage de montagne restreint les localisations possibles et les sites littoraux photographiés ne sont pas très nombreux dans la collection.
Adrien Noblot est allé en Annam avec sa famille. Une boîte de plaques de verre et des photographies tirées sur papier dans un des albums (les monuments Cham) ont fixé les souvenirs de ce voyage. Or on trouve beaucoup de ces constructions à balustres à Nhatrang en Annam (Nha Trang, province de Khánh Hòa, Việt Nam) : l’Institut océanographique, l’hôtel Beaurivage, le Grand Hôtel, la maison de Yersin et un ensemble de villas construites au début des années 1920.

Parmi les milliers de photographies que l’on trouve sur internet sur les sites personnels et les blogs de voyage, une en particulier montre cette même cheminée d’aération.

Figure 14. Nhatrang, architecture coloniale (montage)

La photo de la collection Noblot avait donc été prise au sommet d’une des villas coloniales surplombant la baie de Cau Da. Elles sont au nombre de cinq. Une photo prise par un amateur de travaux publics et laissée sur Google Street View m’a permis d’en être convaincue et de valider l’hypothèse de la villa des Agaves (site consulté le 5 décembre 2022).

Figure 15. Baie de Cau Da sur Googlestreeview (montage)

La recherche par les patronymes

Les militaires, comme les diplomates et les administrateurs coloniaux sont bien documentés en ligne. Les sources généalogiques ont offert des informations supplémentaires sur les amis des Noblot, ne bénéficiant pas de telles occurrences dans les publications officielles, et autant de possibilité de requête.

Les personnes privées

Une douzaine de noms ou de fonctions sont inscrits au verso des photos de la collection Noblot. Rechercher ces patronymes sur les sites généalogiques (ressource disponible sur abonnement) a souvent permis de compléter les identités des épouses et des enfants, voire restreindre les homonymes sur Gallica, et compléter les professions et activités des amis des Noblot, autant d'éléments utiles pour dater certaines images et établir des sociabilités.

Le nom dOgoyard est inscrit au revers de trois photos. Il m’a semblé les reconnaître sur une douzaine de photos dont les photos de plage à Hatien. Une jeune femme est accompagnée d’un petit garçon et d’un homme qui pourrait être Pierre Ogoyard. La publication de sa photo sur Généanet a validé cette hypothèse (ressource disponible sur abonnement). Au terme de cette petite investigation, la famille Ogoyard est créditée de 13 occurences, dont une série de photos prises au Vat Nokor et au Ta Prohm de Bati.
Pierre Ogoyard était sous-officier d’un régiment de tirailleurs tonkinois lorsqu’il intégra l’administration pénitentiaire coloniale au Cambodge en 1926. Il fut affecté par la suite en Cochinchine (Poulo Condore, bagne au large de la Cochinchine et maison centrale de Saïgon). Un chapitre du rapport de 1929 porte sur l’administration du bagne de Poulo Condore. Adrien Noblot et Pierre Ogoyard ont pu se rencontrer à Phnom Penh ou à Poulo Condore.

Les officiels

Il est assez aisé de reconstituer le parcours des personnalités publiques par les sources photographiques et imprimées, et notamment les annuaires administratifs. Mais elles ne sont pas systématiquement nommées sur les photos. Une photo du studio Royal Phnom Penh, montre des officiels français sur les marches d’un bâtiment, vraisemblablement le Palais royal de Phnom Penh.

Figure 16. Palais Royal de Phnom Penh, visite d'administrateurs coloniaux, vers 1928 (photo album_Noblot_vol-2_04-08)

L’homme qui se tient sur la gauche est bien connu. Il s’agit d’Aristide Le Fol, un haut fonctionnaire colonial en poste dans toute l’Indochine jusqu’en 1931. Il est résident de France au Cambodge de 1927 à 1928. En revanche le personnage qui se tient à droite d’Aristide Le Fol apparaît dans de nombreuses photos sans être nommé. Il est souvent confondu avec Pierre Pasquier. On le trouve fréquemment aux côtés du gouverneur général  Alexandre Varenne, sur les photos mises en ligne par la fondation Varenne.

Les annuaires administratifs listent noms, grade et fonction des fonctionnaires coloniaux de l’Indochine française.
Alexandre Varenne a été nommé gouverneur général de l’Indochine en juillet 1925. Il est resté en poste de novembre 1925 à octobre 1926, puis de mai à novembre 1927. La photo de la Fondation Varenne a vraisemblablement été prise en 1927, lorsque Blanchard de la Brosse et Le Fol étaient gouverneur de Cochinchine pour le premier et résident supérieur au Cambodge pour le second. Le secrétaire général du gouvernement général de l’Indochine en 1927 lorsque Varenne était gouverneur, se nommait Maurice Monguillot.
Maurice Monguillot assura par la suite l’interim du gouvernement général entre le départ d’Alexandre Varenne et la prise de poste de René Robin nommé le 7 août 1928. Il était donc gouverneur général de l’Indochine par interim, lorsqu’il se rendit à Phnom Penh, aux cérémonies du couronnement du roi Monivong.

La recherche par les sources imprimées

Les annuaires administratifs ne décrivent pas précisément des événements de la colonie. En revanche, la presse coloniale n’est pas avare de détails sur ce type de sujet. De nombreux titres ont été mis en ligne par Gallica ou Retronews, le site de presse de la BNF (Bibliothèque nationale de France).
La photo album_Noblot_vol-2_07-02 montre un pont métallique décoré et pavoisé. Au premier plan des photographes portant leur caméra, en arrière-plan un groupe d’officiels, dont le roi du Cambodge sous un parasol et le résident Le Fol qui s’apprêtent à couper un ruban.

Figure 17. Inauguration d'un pont, Cambodge 1928 (album_Noblot_vol-2_07-02)

Le 31 octobre 1928, le roi Monivong et le résident Le Fol inaugurent le pont construit au sud de Phnom Penh, pour franchir la rivière Bassac : le premier pont Monivong. La construction du pont est documentée par les collections photographiques du Musée du Quai Branly (PV0022371, PV0022372, PV0012678, PV0030908, PV0030890, PV0020332 etc.). La cérémonie est rapportée par l’édition du 03 novembre 1928 de L’Avenir du Tonkin :

« Cambodge – Phnom Penh. Inauguration. Le Résident supérieur et le roi Monivong, ont inauguré ce matin à 6 heures 30, le grand pont du Bassac, construit par les établissements de Levallois Perret. Une foule immense assistait à la cérémonie, le roi dont le pont portera le nom a procédé au sectionnement du ruban barrant le pont, puis accompagné par le Résident supérieur et un nombreux cortège, a effectué la traversée. Au cours d’un lunch, le Roi a remis les insignes de commandeur de l’ordre royal du Cambodge à M. Reich, ingénieur et décoré un caporal indigène [etc.]. »

Un autre reportage d’une trentaine de photos montre des minorités en costume dans les rues de Saïgon (album « Brun » numéro 3, pages 24 à 30). Ces populations viennent de toute l’Indochine : Cambodgiens, populations des hauts-plateaux du Tonkin, de l’Annam et du Laos.

Figure 18. Fête des minorités, Saïgon 1936

La composition, tous les personnages posent, le cadrage et la qualité des photos attestent une production professionnelle. Le numéro de tirage inscrit au verso et la présence d’une collection similaire dans les collections du Musée du Quai Branly le confirment (donation Pierre Sénéchal-Chevallier). Les légendes du Musée du Quai Branly mentionnent pour lieu et date de prise de vue, Saïgon le 2 octobre 1936.

Les Noblot ont collectionné beaucoup d’événements officiels ayant bénéficié d’une couverture photographique professionnelle (congrès eucharistique de Saïgon en 1935, visite des souverains du Siam 14-16 avril 1930, etc.). Or ce reportage figure dans l’Album « Brun » immédiatement après celui du congrès eucharistique de Saïgon.
L’Avenir du Tonkin nous renseigne sur les circonstances de ce rassemblement. Il s’agit des fêtes de l’achèvement du Transindochinois, la ligne ferroviaire qui relie le Nord Vietnam à Saïgon. La jonction des infrastructures s’est faite en Annam le 2 septembre 1936  en présence de l’empereur Bao Daï et du gouverneur général René Robin (en poste de 1934 à septembre 1936). Mais les célébrations se sont déroulées à Saïgon, capitale de la colonie de Cochinchine du 27 septembre au 3 octobre 1936. L’Avenir du Tonkin en date du 22 août 1936 détaille le programme des festivités :

 « Cochinchine – Saïgon. Des fêtes grandioses marqueront à Saïgon l’achèvement du « Transindochinois ». Nous avons annoncé hier que le Gouverneur général avait décidé de célébrer l’inauguration du Transindochinois par des « fêtes grandioses qui se dérouleront à Saïgon ». Plusieurs regroupements nous donnent à penser que ces fêtes auront lieu au début d’octobre – très probablement les 1er, 2 et 3. Ces manifestations brilleront d’un vif éclat ; elles célèbreront dignement l’achèvement d’une œuvre commencée il y a 40 ans et qui intéresse toute l’Indochine.
Une fête nautique le jeudi 1er octobre, une soirée au Théâtre municipal le vendredi 2 […] La soirée théâtrale du 2 octobre constituera parait-il un grand spectacle et réunira sur scène les types pittoresques de toutes les parties de l’Union indochinoise. Un tableau sera consacré à chaque pays : Tonkin, Annam, Cochinchine, Cambodge, Laos. Les Moïs au nombre de 70 ou 80 paraîtront dans un sketch spécial.
Enfin un vaste « final » réunira et fera défiler sur la scène tous ces figurants bénévoles, revêtus de leurs costumes de fêtes. On peut d’ores et déjà en évaluer approximativement le nombre à plusieurs centaines. Rudes montagnards du Haut Tonkin et du Laos, danseuses cambodgiennes, nostalgiques chanteuses d’Hanoï et de Hué, Moïs au torse bronzé synthétiseront toute l’Indochine désormais unie par le Transindochinois. […] »

L’arrivée du train inaugural est décrite par l’Avenir du Tonkin, en date du 3 octobre 1936, p. 7 :

« Saïgon 2 octobre. Le gouverneur général p.i. Silvestre a inauguré officiellement le 1e octobre la section du chemin de fer transindochinois de Tuy-Hoà à Dai-Lanh […]
Vendredi matin, à 9h, le train gubernatorial arrivait à Saïgon par le boulevard de la Somme, il gagnait le quai Lemyre de Villiers, en face des emplacements qui avaient été réservés aux délégations des pays de l’Union dont les costumes pittoresques mettaient sous le soleil une note de couleur vive. Sur tout le parcours abondamment pavoisé, une foule de plusieurs milliers de personnes se pressait sur plusieurs rangs. Tandis que retentissait une salve d’artillerie, le train stoppa devant la tribune officielle dans laquelle avaient pris place le général Buhrer, cdt sup [NDLR : commandant supérieur] des troupes de l’Indochine, le résup [NDLR : résident supérieur de France] du Cambodge M. Thibaudeau. Son Altesse le prince Monireth, représentant le roi du Cambodge et plusieurs centaines de personnes.
Les honneurs militaires ont été rendus au Gougal [NDLR : gouverneur général de l'Indochine] , qui était accompagné par S.A. le prince Vinh Can, représentant l’empereur d’Annam, le gouverneur Rivoal, le résup d’Annam, Guillemain l’inspecteur des travaux publics etc. […]
»

Figure 19. Montage des photos album_Noblot_vol-3_23-01 et album_Noblot_vol-3_23-02

Sur la photo de gauche, la locomotive s’engage sur le quai Le Myre de Villiers à Saïgon, au débouché des boulevards de la Somme et Charner, comme l’indique le bâtiment des douanes en arrière-plan. Les officiels descendent du train (photo de droite). L’article du 3 octobre 1936 nomme toutes ces personnalités mais en l’absence de légende, il est difficile de savoir qui est qui.
On trouve dans les archives de la famille Silvestre conservées au Service historique de la Marine à Rochefort (cote MR 46 S 22), plusieurs portraits d’Achille Silvestre permettant d’identifier avec certitude le gouverneur général par intérim, au centre, portant lunettes. A sa droite, André Rivoal (?) regarde le photographe et à sa gauche, le général Burher. Léon Thibeaudeau, résident de France au Cambodge pourrait être le personnage le plus à droite du groupe, portant moustache et casque colonial, tourné vers le train.

Figure 20. Arrivée du Transindochinois : les officiels

L’identification de ces images, les fêtes et le train officiel du Transindochinois, s’est appuyée sur la mise en récit des Noblot telle qu’elle apparait dans l’organisation des albums.
Si les albums pris comme support narratif nous renseignent sur les photos, il m’a paru intéressant, une fois celles-ci identifiées individuellement, d’inverser le lien qui unit les photographies aux albums : que racontent ces photos sur l’histoire de la collection ?